Deux projets de loi d'urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et un projet de loi de finances rectificative pour 2020 devraient être examinés au Parlement les jeudi 19 et vendredi 20 mars 2020. Point sur les principales mesures de ces projets de loi.
Le Parlement est saisi de trois projets de loi qu'il examine selon la procédure accélérée les 19 et 20 mars :
le projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 déposé au Sénat, qui prévoit que le délai de trois mois de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité par le Conseil d'État et la Cour de cassation ainsi que le délai de trois mois dans lequel le Conseil constitutionnel statue sur une QPC transmise soient suspendus jusqu'au 30 juin 2020 ;
le projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui ne contient aucune mesure fiscale ni sociale mais uniquement des mesures budgétaires et l'octroi, sous certaines conditions, de la garantie de l'Etat aux prêts qui seront octroyés aux entreprises par les banques et sociétés de financement entre le 16 mars et le 31 décembre 2020 ;
le projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, qui annonce de nombreuses ordonnances, permettant d’avoir une idée des mesures qui seront prises prochainement par le Gouvernement. Nous en présentons ici les principales mesures sociales et fiscales et, plus largement, les mesures susceptibles d'intéresser les professionnels.
L’état d’urgence sanitaire, quel impact pour les professionnels ?
Tout d’abord, le projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 permet de déclarer l’état d’urgence sanitaire sur tout ou partie du territoire par décret en Conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé.
Quelles incidences pour les professionnels ? Une telle déclaration donne pouvoir au Premier ministre de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, les mesures générales limitant notamment la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion. La violation de ces mesures de limitation serait punie de l’amende prévue pour les contraventions de 4e classe, soit 750 € pour les personnes physiques et 3 750 € pour les personnes morales.
Point sur les nombreuses ordonnances attendues en matière sociale…
En vertu du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur si nécessaire à compter du 12 mars 2020, visant à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19, et notamment de prévenir et limiter la cessation d'activité des entreprises et ses conséquences sur l'emploi. Un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de 2 mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
En matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale, pourraient ainsi être prise toute mesure ayant pour objet :
de limiter les ruptures des contrats de travail, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle, notamment en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant le reste à charge pour l’employeur, en adaptant ses modalités de mise en oeuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;
d’adapter les modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire aux IJSS versée par l’employeur en cas d’absence pour maladie ou accident, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d'épidémie ;
de modifier les conditions d’acquisition des congés payés et de permettre à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de RTT et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation applicables définis par le Code du travail ainsi que par les conventions et accords collectifs ;
de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;
de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et au titre de la participation ;
de adapter l'organisation de l’élection visant à mesurer l’audience des syndicats dans les TPE, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ;
d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le Code du travail (une instruction des ministères du travail et de l’agriculture anticipe sur cette disposition) ;
de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du CSE, pour lui permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis ;
d’adapter les dispositions dans le champ de la formation professionnelle et de l’apprentissage, notamment afin de permettre aux entreprises, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations, de versement de contributions mais également d’adapter les conditions de prise en charge des coûts de formation, des rémunérations et cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle.
...en matière fiscale ...
L'article 7 du titre III du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures visant à limiter les cessations d’activité des opérateurs économiques, quel que soit leur statut, et les licenciements. Cette habilitation, très large, vise notamment toute mesure d’aide directe ou indirecte aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à leur trésorerie. Elle devrait donc aussi s'appliquer en matière fiscale, notamment par des reports de délais de paiement des impôts ou, selon l'exposé des motifs, l'aménagement des conditions de versement des contributions dues au titre du financement de la formation professionnelle. Il est également envisagé d'accorder aux collectivités territoriales des mesures de dérogation aux modalités et dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif et à l’assiette des impôts directs locaux.
Le Gouvernement serait également habilité à aménager divers délais et procédures légaux ou juridictionnels, notamment à :
adapter les règles relatives aux délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées à l'administration (ce qui pourrait viser les réclamations contentieuses, par exemple), aux délais de procédure et de jugement (introduction des instances, notamment)
prendre toute mesure visant à adapter, interrompre, suspendre ou reporter le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures seraient rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne pourraient excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation du virus Covid-19.
…et plus largement dans d’autres domaines
Le projet de loi d'urgence annonce d’autres ordonnances, prises dans les mêmes délais que ceux indiqués ci-dessus, susceptibles d’intéresser les professionnels.
Ainsi, toujours afin de faire face aux conséquences économiques financières et sociales de la propagation du virus et, notamment de limiter les fermetures d’entreprises et les licenciements, pourrait ainsi être prise par ordonnance toute mesure :
d’aide directe ou indirecte au profit des entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place d’un fonds dont le financement serait partagé avec les collectivités territoriales ;
modifiant, dans le respect des droits réciproques, les obligations des entreprises à l’égard de leurs clients et fournisseurs, notamment en termes de délais et pénalités et de nature des contreparties, en particulier en ce qui concerne les contrats de vente de voyages et de séjours ;
modifiant le droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté pour faciliter le traitement préventif des conséquences de la crise sanitaire ;
permettant de reporter ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d’eau de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels, le renoncement aux pénalités et l’interdiction des mesures d’interruption, suspension ou réduction de la fourniture susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie .
Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du virus, le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance toute mesure provisoire visant notamment à simplifier, préciser et adapter les règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi que d'adapter les règles relatives à l'affectation des bénéfices et au paiement des dividendes.
Enfin, le Gouvernement serait autorisé, dans un délai d'un moi à compter de la publication de cette loi, à prolonger par ordonnance la durée de validité des visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour ainsi que des attestations de demande d’asile qui ont expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020, dans la limite de 180 jours. Une instruction des ministères du travail et de l’agriculture anticipe sur ces dispositions.
Le Gouvernement s’accorderait des délais pour prendre les autres ordonnances et les ratifier
S’agissant des ordonnances que le Gouvernement est d’ores et déjà habilité à prendre sur un certain nombre de sujets qui ne sont pas en lien avec la situation d’urgence liée au Covid-19 :
le délai pour les prendre seraient prolongé de 4 mois, lorsqu’ils n’auraient pas expiré à la date de publication de la loi ;
de même, les délais fixés pour le dépôt des projets de loi de ratification des ordonnances publiées avant la date de publication de la loi seraient prolongés de 4 mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à cette date.