Après avoir largement ouvert le dispositif de l’activité partielle aux entreprises, le ministère du Travail entend désormais s’attaquer aux fraudes qui ont pu en résulter. Une instruction du 5 mai 2020 envoyée aux Préfets et aux DIRECCTE détaille le plan de contrôle qui sera lancé. Une attention particulière est portée aux entreprises qui auraient fait télétravailler des salariés pendant des temps de chômage partiel.
Repérer la fraude : le télétravail pendant les heures de chômage partiel dans le viseur
L’objectif premier du plan de contrôle du ministère du Travail est de lutter contre les fraudes au dispositif d’activité partielle.
Face au recours massif des entreprises, le ministère estime que « le risque de fraude apparaît particulièrement élevé et est susceptible de prendre des formes diverses ».
Le ministère vise notamment les entreprises qui ont placé des salariés en activité partielle tout en leur demandant de continuer de travailler, en particulier de télétravailler, pendant les heures durant lesquelles ils sont censés être en chômage partiel.
Il est en effet apparu que, parmi les secteurs utilisant fortement l’activité partielle, figure celui des activités de services administratifs, de soutien et conseil aux entreprises, où le télétravail peut être facilement mis en œuvre.
D’une façon plus générale, l’attention sera portée aux « entreprises dont l’effectif est composé d’une majorité de cadres dont l’activité est davantage susceptible d’être exercée en télétravail », indique l’instruction.
Autre secteur d’activité ciblé, celui du bâtiment et des travaux publics.
Une autre fraude qui sera également contrôlée concerne les demandes de remboursement majorées par rapport au montant des salaires effectivement payés. Les entreprises ayant présenté des demandes d’indemnisation sur la base de taux horaires élevés pourront faire l’objet d’une attention particulière.
Des sanctions administratives et pénales
En cas de fraude à l’activité partielle, les entreprises encourent les sanctions du travail illégal.
À ce titre, elles sont passibles de la sanction administrative d’exclusion, pour une durée maximale de 5 ans, de l’accès à certaines aides publiques en matière d’emploi et de formation professionnelle, dont l’aide demandée au titre de l’activité partielle, et de remboursement des aides accordées dans les 12 mois précédant l’établissement du procès-verbal constatant la fraude (c. trav. art. L. 8272-1 et art. D. 8272-1).
Elles sont également passibles d’une sanction pénale de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, prévue en cas d’utilisation d’une fausse déclaration ou d’une déclaration incomplète en vue d’obtenir d’une personne publique une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu (c. pén. art. 441-6 ; c. trav. art. L. 5124-1).
Les entreprises qui auraient présenté des demandes de remboursement erronées pourront régulariser leur situation dans le cadre du droit à l’erreur (voir ci-après). À défaut, elles pourront faire d’une procédure de reversement initiée par la DIRECCTE.
Permettre aux entreprises de corriger leurs erreurs
Le second objectif de ce plan de contrôle est de permettre aux entreprises de régulariser des demandes d’indemnisation mal renseignées, en application du principe du droit à l’erreur (CRPA art. L. 123-1).
Le ministère du Travail reconnaît que « la mise en place du nouveau système d’activité partielle et l’afflux d’entreprises ne l’ayant jamais mobilisé jusque-là pourront entraîner des erreurs dans le renseignement des DI (NDLR : demandes d’indemnisation) », conduisant selon le cas à des régularisations en faveur ou en défaveur des entreprises. Il pourra ainsi y avoir une majoration des sommes à verser au titre de l’allocation d’activité partielle (taux horaires inférieurs au taux plancher de 8,03 €) ou au contraire une minoration (taux horaires manifestement supérieurs aux montants normalement dus aux entreprises).
Le ministère admet également que les multiples aménagements et précisions apportés au fil du temps sur le régime juridique de l’activité partielle ont pu générer des difficultés dans le renseignement des demandes d’indemnisation.
Une communication à destination des entreprises « rassurante et incitative à l’auto-régularisation » sera effectuée.
Dans le cas où des entreprises devraient rembourser des sommes à l’État, l’instruction précise qu’il convient « de veiller à la prise en compte de la situation de ces entreprises, notamment en en différant le paiement ».
Enfin, le ministère indique que « le contrôle devrait permettre d’identifier des entreprises en difficulté, qui pourront faire l’objet d’un accompagnement dédié dans un second temps ».
Traitement systématique des signalements transmis à la DIRECCTE
Dans son instruction et dans un communiqué de presse, le ministère précise qu’il est demandé aux DIRECCTE « de traiter rapidement et systématiquement » les signalements qui leur sont transmis, en particulier par les salariés, les organisations syndicales et les CSE.